Découvrez ici le témoignage d'une fille de Harki
Ce témoignage prend sa source en 1963, au départ de Rivesaltes et se poursuit dans le cadre du regroupement de la famille à Valenciennes, autour de son père envoyé travailler aux hauts-fourneaux.
À Monsieur le ministre Jean Marie Bockel,
Je reviens vers vous après votre passage dans plusieurs départements. En effet suite à votre discours, vous souhaitiez avoir des témoignages de notre arrivée dans les cités et de notre vécu. Donc je me permets de vous écrire notre vécu et ressenti.
Dès notre départ de Rivesaltes, aux alentours de l'année 1963. En effet mon père est arrivé seul dans la cité de Maing (59233) 4 mois avant de réunir la Famille. Il avait été envoyé pour travailler dans les hauts-fourneaux à USINOR de Valenciennes.
USINOR leurs a proposé des logements à la seule condition de travailler pour USINOR. Les logements étaient construits sur des terrains marécageux, sans chauffage, sans isolation. En effet à la base ces logements étaient construits et prévus pour les travailleurs de la SONACOTRA et de la SNCF; ils ont refusé d'y loger du fait qu'ils n'étaient pas dans leurs ATTENTES (logements non conformes).
Mon papa n’avait pas le choix que d'accepter pour réunir la Famille (femme, et enfants), il n'avait pas d'autres alternatives.
Nous sommes dans ce logement froid, humide sans aucun confort, ni meubles, ni couvertures, etc. Nous n'avions que quelques vêtements que mes parents ont pu sauver lors de notre départ précipité pour la France. Il a fallu attendre plus de 3 mois pour que l'armée Française daigne envoyer des camions avec des lits militaires, des couvertures rêches, que l’État mettait à leur disposition
Pour le reste, nous avons dû nous débrouiller avec nos simples moyens à notre disposition. Notre maman récupérait des boîtes de conserves qui lui servaient de faitout et d’ustensiles pour cuisiner. Des cartons qui nous servaient de fourre-tout.
Les premières années étaient très, très compliquées et difficiles : manque d'hygiène, la faim, le froid, la maladie, etc. Papa devenait agressif vu la situation, il s'est mis à boire pour oublier les atrocités qu'il a vécues en Algérie lui et la famille, les menaces qu'il a subies avant de quitter l'Algérie, l'enfer.
Il a suivi et cru aux promesses de la France qui a laissée de nombreux rapatriés à leur propre sort. Le travail à l'usine a eu raison de lui, il est décédé d'une embolie pulmonaire, il a souffert pendant des mois et des années de bronchite chronique.
Bref, Je pourrais encore et encore raconter que des mauvais souvenirs de mon enfance (triste enfance).