Retrouvez le discours de Yamina Benahmed Daho, lauréate du Prix littéraire général François Meyer

Mis à jour le 05 octobre 2023

Lors de la réception de son prix, Yamina Benahmed Daho a prononcé un discours poignant qui en a ému plus d'un.

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Yamina Benahmed Daho prononçant son discours lors de la remise de son prix général François Meyer
@ Damien Carles / SPM

Elle a livré une vérité dure et nue dans un écrin de compassion tout en nuances ; mais sans rien omettre.

Couverture du livre primé par le jury du Prix général François Meyer (c) Damien Carles / SPM / CNIH

Je vous remercie pour votre accueil, pour ce moment chaleureux et émouvant et vous souhaite que la CNIH poursuive ce travail de mémoire avec l'apaisement qui a caractérisé cette journée.

Avec mes remerciements et ma gratitude,

Yamina Benahmed Daho

Yamina Benahmed Daho s'avance pour recevoir le Prix général François Meyer
Yamina Benahmed Daho s'avance pour recevoir le Prix général François Meyer (c) Damien Carles / SPM / CNIH

Prononcé du discours :

Je suis très heureuse d'être là aujourd'hui pour recevoir le prix général Meyer de la Commission nationale indépendante Harkis, que je remercie.

La source des fantômes raconte une enfance heureuse passée en Vendée, dans un lotissement où plusieurs familles venues déposer leurs vies et leurs rêves, sont rapidement confrontées aux premières tragédies économiques qui ont marqué la fin des années 80. Cette enfance est aussi troublée par les secrets d'un exil, celui de mon père qui, en raison de son statut de harki, a dû quitter l'Algérie après la guerre, en 1962. Son pays natal, sa famille, sa culture, mon père les a quittés seul et de manière définitive. Pour éviter les camps et les bidonvilles imposés aux Harkis, il a erré longtemps, travaillé dans des conditions indignes, dormi sous des ponts, avant de s'installer dans cette maison qui signera la fin de l'exil et le début d'un nouvel enracinement.

Mon livre est un dialogue avec les fantômes qui ont accompagné mon père dans ce dur voyage, ceux qui ont hanté notre maison en Vendée et ceux qui m'ont accueillie pendant l'écriture. Ces fantômes m'ont permis de comprendre qu'il ne servait à rien de combler les récits troués, les non-dits et les silences de mes parents. J'ai appris grâce à ce livre que renoncer à transmettre un passé violent et douloureux, renoncer à transmettre une culture et une langue, c'était en réalité, dans leur cas précis, une preuve d'amour, la marque d'une grande liberté.

Ils savaient mon admiration pour leur esprit de résistance et de détermination, pour leur vie qu'ils ont vécu de toutes leurs forces. Ils savaient aussi ma colère rentrée parce qu'on les considérait comme des voyageurs sans bagages, des personnes dont l'existence et le moment de l'Histoire auquel ils ont pris part, devaient tomber dans l'oubli. Ce livre est un moyen de retenir leur histoire à la surface de la grande Histoire, de prouver que même faute de paroles, de dates, d'archives, de preuves, il est possible de raconter le mystère d'une vie, de faire se rejoindre le passé qui nous échappe au présent qui nous écrase.

Ce prix me semble prolonger mon travail littéraire qui voudrait inscrire des existences uniques et silencieuses dans une histoire commune.

Je remercie à nouveau la Commission nationale indépendante Harkis, présidée par Jean-Marie Bockel. 

Je remercie les membres du jury ainsi que son président, Jean-Marie Rouart.

Je remercie également mon éditeur, Thomas Simonnet, et toutes les équipes de Gallimard, qui soutiennent sincèrement ce livre et j'en suis profondément touchée. 

Je remercie mes deux sœurs présentes aujourd'hui. 

J'ai une pensée pour tous les Harkis, leurs familles, toutes les associations d'anciens combattants et toutes celles et ceux qui œuvrent à un travail de mémoire essentiel et nécessaire.

Enfin, mes dernières pensées sont pour mon père et ma mère.

À eux qui savaient vivre et qui savaient rire, je dédie ce prix.

Yamina Benahmed Daho

La Commission recueille la parole des Harkis,
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POUR MÉMOIRE, les dossiers de réparation sont instruits par l'Office national des combattants et des victimes de guerre qui vous accompagne dans la constitution de votre dossier et toutes questions sur son suivi. Pour cela appelez le numéro vert 0801 907 901.

► IMPORTANT, la Commission nationale indépendante Harkis n'est pas compétente pour recevoir, étudier et suivre un dossier de demande de réparation. Elle ne pourra donc pas vous apporter une réponse liée à une demande de réparation.
 

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