Découvrez le témoignage de Christine SOLTANI.

Mémoire partagée ?

Ce témoignage interpelle vos mémoires, questionne le présent et attend vos réactions... Allez-vous vous reconnaitre dans ce vécu ?

« Bonjour, je m’appelle SOLTANI Christine.

Je souhaitais intervenir ce jour pour vous raconter mon histoire dans laquelle peut-être plusieurs d’entre vous se reconnaîtrons. Je suis née et j’ai grandi au Parc à Ballons, Cité militaire 4, à Montpellier et à la Caserne Lauwe, de 1965 à 1970. Les premières années de ma vie n’ont pas été toute roses, nous vivions en effet dans des conditions de vie inacceptables.

Je me souviens des moments où nous ne mangions pas à notre faim, à ne pas pouvoir me vêtir de façon convenable, je marchais d’ailleurs souvent pied nus par manque de moyens financiers de mes parents (les quelques photos que ma mère a conservées en témoignent.) Nous étions parqués tels des pestiférés dans cette cité.

On vivait reclus, loin de la population.

Ma mère ne savait pas parler français et lors de ses quelques sorties, était limite pointée du doigt. Il faut le dire, les harkis n’ont jamais été réellement considérés depuis leur venue, il y a toujours eu ce sentiment d’infériorité. Il fallait présenter une pièce d’identité lors de nos sorties et d’après les dires de mes parents, il y avait même un couvre-feu.

D’ailleurs, je n’étais pas scolarisé.

Puis nous avons emménagé à la Cité Phobos (de l’étymologie Cité de la peur) où les conditions ne se sont guère améliorées. Après cette enfance désastreuse, j’ai l’impression d’avoir été privé d’un avenir professionnel et j’en pâtis dans mon quotidien jusqu’à ce jour. J’ai d’ailleurs été reconnu par la MDPH de l’Hérault pour toutes ces raisons.

Même niveau intégration, je n’ai pas l’impression d’avoir ma place au sein de la société, je vis une sorte de vie primitive.

J’ai réussi à faire un travail sur moi-même pour aller vers les autres et être ainsi plus sociable. Les conditions de vie + l’après-guerre + le manque incontestable de reconnaissance de l’État français envers mon père ont fait de lui un tyran qui nous maltraitait. Cela a affaibli sa santé mentale fragile comme je pense bon nombre de pères harkis.

Il noyait son désespoir et sa frustration dans l’alcool.

Lui, qui croyait à cette promesse d’Eldorado en venant en France, s’est retrouvé plus bas que terre en perdant les terres qui lui appartenaient en Algérie. J’ai notamment été stupéfaite de constater lors de mes recherches que l’état français n’a reconnu le statut d’ancien combattant qu’une douzaine d’années après leur venue en France.

La lenteur d’avancement des lois a fait que ma mère est décédée avant qu’elles ne soient promulguées. De son vivant, elle n’aura jamais eu la chance d’être reconnu à juste titre et je mène ce combat en son nom. La regrettée a dû payer de ses économies ses propres funérailles alors qu’en Algérie, les concessions sont gratuites.

C’est pour toutes ces raisons que je demande l’intégration du Parc à ballons Cité militaire 4, de la Caserne Lauwe et de la Cité Phobos parmi les éventuelles nouvelles structures afin d’avoir enfin droit à une réparation financière, car ici, les critères requis sont réunis.

Je demande aussi, par mon intervention, la révision par la commission du dispositif d’action sociale de février 2022 afin que les personnes ayant résidé dans les 45 structures intégrées à la loi puissent bénéficier des aides qui ont été auparavant accordés. C’est à mon sens une continuité qui doit se faire.

Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire.
SOLTANI Christine »